Jardin d'écueils

Lire des nouvelles, C'est se raconter des histoires

Les écueils se dressent à fleur d’eau et leur jardin peuple les mers de récits dévorés de naufrages. Sur les flots affrontés, ils figurent la fulgurance du danger. Les sens s’aiguisent brusquement, l’ardeur sursaute : qui n’amarre pas solidement ses certitudes risque de chavirer. L’espace de cette aspérité, le paysage se trouve bouleversé : la masse argentée qui ondulait paisiblement se charge d’éclats virulents, l’écume y bave blanche, les lames fracassent la roche dans un tumulte tonnant. La gorge se sale d’embruns amers, la bruine cingle le visage. L’air soufré précipite l’urgence qu’il faut déjouer. Les côtes semblaient dormir, et voilà que se dresse un jardin où il ne fait pas toujours bon naviguer. L’indompté fait surface dans une vivacité menaçant toute tranquillité. Le ciel déchiré par le péril écorché disparaît dans le creux de la houle, un vertige semble renverser le monde.

Les écueils concentrent la tension, accrochent le regard et le trouble du marin détaché du port. Un faisceau surgit qui met en drame la possibilité du heurt dans une lumière frissonnante et saccadée : les feux d’écueils réveillent la nuit noire et incendient l’étendue furieuse d’une intensité précipitée.

La nouvelle est ce jardin de toutes les aventures où se précipitent les événements, où s’emballent les bouleversements, où surgit l’imprévu et règne l’aléa. Elle altère l’évidence et désarçonne l’accoutumé. Elle bouscule dans son urgence à raconter sans dire. Dansant sur le fil affûté du drame, elle concentre l’essence d’une épopée instantanée. Sa dynamique tend l’efficacité du récit où s’empressent les perspectives. Perché au sommet de l’action et privé d’horizon, le lecteur plonge dans le temps condensé de l’inattendu. La nouvelle dépêche une forme de vérité nue, brute de nécessité. Elle propage l’imagination et hante l’en-dehors de ses pages. Elle colle au cœur.

La nouvelle dérange, elle dérègle et éventre le cours de l’histoire. Discordante et mystérieuse, elle suppose, induit, devine, doute. La nouvelle sollicite l’audace du lecteur qui se tient sans trembler au bord du dire. Si vous n’avez pas peur de l’orage qui gronde, si le ressac de l’imaginaire déchaîné ne vous inquiète pas, suivez le courant de nos recueils. Saurez-vous éviter les écueils pour flirter avec le naufrage ? À vous de peupler ces histoires, à vous de combler, de raconter. Savourez la crise. Sterenn veillera sur votre traversée.

« Ne me dites pas tout, supplie l'amateur de nouvelles.
Ne me comblez pas, car en me comblant,
vous gâcheriez quelque chose. »
Georges-Olivier Châteaureynaud
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